« La gestion des émotions »
Par Bruno Fortin, M.A. (Ps.), psychologue à l’Hôpital Pierre-Boucher de Longueuil
Dans un monde où l’on accorde tant d’importance à la communication, comment réagir lorsque les mots se bousculent ou perdent leur sens, ou encore que les autres ne nous comprennent pas toujours comme on le voudrait ? Les personnes aphasiques vivant ces problèmes peuvent avoir des difficultés à gérer leurs émotions. Il existe certains outils utiles pour leurs permettrent une moins grande vulnérabilité face à leurs émotions.
Vivre avec l'aphasie, c'est parfois frustrant! On voudrait partager une idée mais les autres ne comprennent pas. Les gens parlent d’une façon qui nous est incompréhensible. Certaines personnes deviennent irritées sans que l’on sache pourquoi. On voudrait que ce soit simple alors que c’est compliqué. Selon le sens qu’ils donnent à ces frustrations, les personnes aphasiques peuvent devenir plus vulnérables à différentes formes de détresse émotionnelle : Elles ruminent de sombres pensées sous l’effet de la tristesse, elles sont envahies par des scénarios catastrophiques sous l’effet de l’angoisse et elles cherchent un coupable et une cible pour se défouler sous l’effet de la colère. À cause de la détresse émotionnelle, le cerveau fonctionne moins bien, les capacités d’attention et de concentration diminuent. Cela devient plus difficile de régler les problèmes. Certains outils axés sur la compréhension des émotions, la résolution des problèmes et la satisfaction de ses besoins peuvent nous aider à être moins vulnérable.
Recherchez le sens de l’émotion.
Donnez-vous du temps pour nuancer vos pensées. La première idée qui nous passe par la tête n’est pas nécessairement la bonne. Nos pensées sont des hypothèses. Elles ne sont pas nécessairement exactes. Vous connaissez sans doute l’adage « La nuit porte conseil ». Une fois reposés, nous sommes parfois surpris de constater que notre point de vue a changé. Plutôt que d’agir impulsivement, demandez-vous : « Comment est-ce que je vais voir cette situation une fois reposé ? Y a-t-il une autre façon de voir cela? Ai-je besoin de plus d’information? Donnez-vous la permission de réfléchir, de demander l'avis de personnes de confiance et de vous reposer avant de prendre des décisions importantes. Cela vous évitera de mettre 200$ d’énergie sur quelque chose qui vaut 2$. Parfois à cause de la fatigue, ou encore parce qu'il y a trop d'informations, trop de stimulation, trop de décisions à prendre, la vie peut nous apparaître tellement compliquée...
Procédez par étapes.
Parfois les difficultés semblent insurmontables. Il vaut mieux alors procéder par étape. Vous vous retrouverez en haut de l'escalier si vous montez une marche après l'autre.
Persistez dans vos efforts! Cela vaut la peine de faire l'effort de communiquer, meme s'il n'y a qu'une partie de ce que l'on souhaite communiquer qui est reçu. Cette information est précieuse pour votre entourage qui peut vous aider à améliorer vos habiletés de communication. Les gens de votre entourage deviendront eux-mêmes progressivement plus habiles pour comprendre ce que vous souhaitez leur communiquer.
Plutôt que de courir dans toutes les directions, il vaut mieux prendre le temps de s’orienter, puis marcher lentement vers son but.
Exprimer clairement vos besoins
Pour éviter les malentendus, il vaut mieux exprimer vos désirs et vos besoins clairement et avec respect. Mais acceptez d'abord que vous allez communiquer à votre façon et à votre vitesse. Vos amis ne peuvent pas deviner ce que vous désirez. C'est un beau cadeau à leur faire que de leur donner cette information. Cela ne veut pas dire qu'ils répondront à tous vos désirs. Vous augmentez toutefois vos chances d'obtenir ce que vous souhaiter.
Tenez compte des autres
C'est frustrant de demander quelque chose et de ne pas l'obtenir. On peut être tenté de donner des ordres ou de devenir agressif... Cela peut sembler efficace à court terme mais à long terme, les gens se révoltent ou s’éloignent. Plus les gens de votre entourage pourront satisfaire leurs besoins, plus ils auront de l’énergie pour vous aider. Concentrez-vous sur votre zone de pouvoir et d’influence, c’est-à-dire sur vos capacités, et faites votre part. Face à l’aide d’autrui, vous avez alors à choisir entre votre désir de critiquer quelque chose d'imparfait et la pertinence d'accepter ce qui est utile. Remerciez ! Vous pourrez par la suite, exprimer ce que vous souhaiteriez comme amélioration.
Cultivez votre jardin relationnel
Parfois, cela demande tellement d'effort de communiquer que le téléphone ou la visite d'un ami nous semble un fardeau. Cela peut être tentant de commencer à s’isoler. Prenez-garde de ne pas couper vos racines.. L’isolement qui semble vous soulager à court terme pourrait bien vous nuire sérieusement dans vos objectifs à long terme... Conservez ces liens qui pourraient devenir indispensable pour vous nourrir émotivement. Vous pouvez toutefois choisir de fréquentez les gens dont la présence vous fait du bien. Conservez des attentes réalistes. Prenez ce que chacun peut vous donner.
Intéressez-vous à autres choses qu'à l’aphasie
Réservez vos discussions à ce sujet pour quelques confidents. Mettez en évidence le meilleur de vous-même. Vous resterez une personne agréable à fréquenter en vous intéressant à des activités diversifiées et ce, malgré vos difficultés de communication.
Planifiez des activités agréables.
Profitez des occasions de plaisirs ou de divertissements qui se présentent à vous. Si ce n'est pas au sein de votre famille ou de vos relations amicales, cela peut être au sein de la ressource qui vous héberge, d'organismes tels que l'Association québécoise des personnes aphasiques, de l'équipe médicale qui s'occupe de vous ou toute autre occasion d'échanges avec des êtres humains. Il n'y a pas de plaisir trop petit pour être récolté.
Traitez-vous comme un ami plutôt que comme un ennemi.
Certaines personnes se traitent en ennemi : elles s’adressent sans cesse des reproches, se forcent constamment à faire ce qu’elles détestent et ne tiennent aucun compte de leurs goûts et de leurs besoins. Passez du temps en tête-à-tête avec vous-même. Intéressez-vous à vos goûts, à vos intérêts, à vos rêves et à vos aspirations.
Sortez à des endroits agréables. Soyez dans votre propre camp. Prenez votre défense. Face aux erreurs, évitez de vous torture et intéressez-vous plutôt au moyen de faire mieux la prochaine fois. Si vous êtes en train de lire cet article, c'est que vous recherchez déjà à apprendre et à profiter pleinement de la vie malgré les difficultés. Concentrez-vous sur les qualités et les forces qu’il y a en vous présentement. Ce sont vos outils pour continuer à construire la suite de votre vie.
Psychologue en milieu hospitalier depuis plus de 35 ans, Bruno Fortin s'intéresse particulièrement aux stratégies d'adaptation face aux situations stressantes de la vie. Il a une vaste expérience d'enseignant et d'animateur d'ateliers. Il est l'auteur et le coauteur de nombreux ouvrages dont Comment améliorer votre médecin? aux Éditions Fides.
Avril 2021, © Bruno Fortin, psychologue. Tous droits réservés.